Je sors de la salle de l'infirmerie, m'approche d'une fenêtre et hume l'air du dehors. Il est frais et doux, cela change des odeurs de sang et de renfermé de la pièce où je passe mes journées. Le sang, bizarrement, cela ne m'effraie pas tant que ça. Bien sûr, j’ai parfois un sursaut en découvrant les blessures, mais je ne détourne pas les yeux. Je n’ai pas la nausée. Sauf quand je vois une Transformation. Cette chose est horrible, les gens qui nous ont enfermés ici devaient être mabouls pour faire un truc pareil !
Je m’efforce de penser à autre chose, et je repasse dans ma tête les souvenirs (des SOUVENIRS) depuis mon arrivée ici. Mon réveil dans la Boîte. Ma panique. Toutes ces têtes me regardant quand la cage s’est ouverte. Quand je me suis rendue compte que je suffoquais quand je courais trop. La première Transformation à laquelle j’ai assisté. Les questions des plus anciens qui me demandaient si je me rappelais de quelque chose, comme s’ils s’accrochaient au vain espoir que le prochain tocard à sortir de la Boîte serait la solution de ce foutu Labyrinthe, ou qu’il leur dise « Voilà, c’est ça que vous devez faire. »
Je souris. Je ne suis pas cette personne-là. Le verbe « se rappeler » n’a plus tellement de signification pour moi. Parfois, je fouille dans ma mémoire, essayant désespérément de me souvenir de ma vie d’avant, mais je ne parviens qu’à saisir des images, des sons, des mots, qui disparaissent avant que je puisse les saisir. Ce qui est très frustrant.
Je sors de l’infirmerie et me dirige vers le bois. Comme il n’y a pas trop de blessés en ce moment et que je suis encore en apprentissage, j’ai beaucoup de temps libre. Entre les arbres, je pense à ces contes de fée que j’ai dû entendre dans mon enfance… Je frissonne malgré moi. J’aime beaucoup cet endroit qui est calme, et où je ne risque pas trop d’être dérangée. Mes pas me conduisent au terminus, dont je ne me suis pas trop approchée pour l’instant. Cet endroit me fait peur. Je distingue une silhouette devant les tombes. Une jeune fille d’environ 16 ans, dont les cheveux châtains tombent en cascade sur sa poitrine. Très maigre. Je ne la vois pas de face, mais je devine que son visage doit être très mince, lui aussi. Je m’approche d’elle ; elle se retourne brusquement. Je ne me suis pas trompée : ses joues sont creuses.
-B...Bonjour, dis-je en balbutiant. Qui es-tu ? Je ne t’ai jamais vue.