Pourquoi je dois encore m'entrainer ? Pourquoi je ne peux pas y aller ? Pourquoi je ne peux pas entrer dans ce foutu Labyrinthe ... Foutus Medjacks ! Je prends mon chemin habituel. Je commence à le connaître par cœur, maintenant. Trois jours. Trois jours que je m'entraine sans relâche. Aaaaaaaaah, mon D i e u, si seulement un Medjack compatissant m'autorisait à aller chercher une sortie. Je sert à quoi sinon ? Plein de blocards ont été blessés et bien sûr c'est moi qui suis interdite de Labyrinthe ! C'est pas juste ! Quelle est la différence entre deux coups de fouet et deux coups de poings ? A part que le fouet fait couler le sang ? Ceux qui ont été battus à mains nues sont en train de s'amuser - pardon, s'occuper - a courir dans le Labyrinthe et moi je m'ennuies dans ce Bloc étroit et vide. Hier, un Milicien s'est foutu de moi parce que je n'étais pas rétablie. Je lui ai envoyé une droite et il s'est tu. Bon, après j'ai faillis aller au Gnouf mais il l'avait bien mérité ce coco là ! Je suis hyper susceptible et irascible en ce moment, c'est pas le jour pour se foutre de moi ! J'arrive sur le terrain d'entrainement. Une jeune fille y est déjà. Je la reconnais aussitôt ; Mia ! Une jeune Sarcleuse âgée d’à peine un an de moins que moi mais que je considère comme ma p'tite sœur. Je me demande ce qu'elle fiche là ... Genre ! Elle s'entraine ! Je la comprends, il faut qu'elle devienne plus forte pour démonter la face de ceux qui l'embêtent. Ils l'embêtent parce qu'elle est muette et donc ne peux pas répliquer. Ça m'énerve, mais ça m'énerve ! A chaque fois qu'un d'eux se moque d'elle devant moi, il se retrouve à l'infirmerie avec la mâchoire en miette. D'accord je suis violente mais je l'ai rencontrée pendant ma convalescence qui dure toujours et comme je suis de mauvais poil j'ai pas pu me retenir ... A cause de Pearl, une autre muette - qui d'ailleurs n'a aucun point commun avec la petite Mia - je suis blessée, en colère et trèèèèèèès susceptible. Puis, pendant que Mia s'entraine et que je l'observe, un imbécile à qui je n'ai pas encore rendu les joues rouges se pointe. Et, bien sûr, il commence par la même phrase qui a le don de me mettre hors de moi :
- Ben alors, la Muette, on s'entraîne ? Qu'est ce qu'il y a ? Tu veux d...
- Ce qu'elle veut, c'est que tu tournes les talons et que tu te barres. Loin, si possible. C'est pas difficile. Alors, qu'est ce que t'attends ? je le coupe, sarcastique.
Ah, je ne me suis pas énervée, c'est déjà ça. L'imbécile devient tout rouge de colère pendant que je m'approche nonchalamment de lui. Il ne se méfie pas. Encore un sale macho. Je sens qu'il va y passer celui - là.
- Quoi ? T'a dit quoi ? me crie t - il.
Et idiot avec ça.
- Quoi, t'a pas compris ? Alors, c'est normal que tu la traite de muette, tu dois avoir les oreilles trop bouchées pour l'entendre, mon gars. je lance avec une pointe de satisfaction.
Il se raidit encore plus - on dirai une planche ahah - et devient encore plus rouge. Si c'est possible.
- J'entends parfaitement bien, tu crois quoi ? T'es trop bête ! fait - il en bafouillant de colère.
Je jubile.
- Hein, j'ai pas très bien entendu la dernière phrase. T'a raison, c'est moi qui doit être sourde. J'ai cru que tu disais que j'étais bête, t'imagines ? Ha ha ! je rigole.
Je sens qu'il va craquer. Oui, il explose ! Il est cramoisi, je suis sûre que si je lui lance encore une pique, soit il va devenir violet, soit il va se jeter sur moi.
- Regarde toi, tu es tout rouge. Tu n'arrives pas à parler ? Ben dis - donc, j'ai un sourd muet en face de moi, c'est rare ici. je fais avec un grand sourire.
Il explose ; il devient violet et il se jette sur moi. Ah, je l'avais pas prévu ça, pour une fois j'ai perdu. J'esquive son coup avec tellement de facilité que c'en est drôle - bon, c'est normal, c'est un Sarcleur et moi une Trappeuse - et le relève par le col. Je le soulève du sol. Bon sang ce que ça peut être lourd un mec ! Je lève une main et le gifle. Avant de le laisser tomber et de le pousser. Il s'écroule par terre.
- T'es vraiment nul, hein. Allez, va voir ailleurs si j'y suis.
Il violettis encore plus - oui, violettir, ça existe, sisi - avant d'obtempérer. Je me tourne vers Mia, un peu en colère parce qu'elle ne sait pas se défendre. J'en ai marre, un peu de devoir toujours la protéger. Même si ça me fait du bien et que ça me défoule. Je me dirige vers elle avant de lui dire, d'un ton exaspéré :
- Mia, s'il te plaît, essaie de te défendre toute seule. T'a même pas besoin de leur parler comme j'ai fait, marque "ta gueules" dans la terre ou gifle - les, après ils arrêterons. Je suis grossière, c'est vrai, mais un jour, peut - être que je serai plus là. Pas parce que je serai vieille mais parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver dans ce foutu Labyrinthe. Alors il faut que tu apprennes, tu comprends ?
Aujourd’hui était un jour un peu comme les autres, j’allais dans les champs, je ramenais mon travail, mangeais, retournais au travail et encore et encore. Mais je fus soudainement attiré par le terrain d’entraînement, aujourd’hui il était désert. Il n’y avait personne, totalement vide. Je ne cessais de me plaindre d’être trop faible et de ne pas être au niveau des autres blocards mais je n’avais jamais vraiment pensé à y remédier. C’est vrai, le terrain n’était pas occupé pour le moment je pourrais essayer à faire quelques exercices pour tenter d’être déjà moins maladroite dans mes mouvements. Je ne voulais pas apprendre à utiliser des armes, elles m’effrayaient réellement… C’était comme si je tenais la destruction même entre mes mains, je haïssais la violence et c’était sûrement la seule chose que je ne parvenais pas à supporter. Si le monde finissait par s’écrouler ce serait sans aucuns doutes à cause de toute la violence qui règne en nous, tapie dans l’ombre de notre âme.
Je m’avançais donc vers le terrain d’entraînement et pénétrai à l’intérieur après avoir vérifié que personne ne souhaitait l’utiliser. Je ne voulais vraiment pas gêner quelqu’un dans ses entraînements, pas avec mon incapacité à tenir sur mes deux pieds sans vaciller. Mes yeux se posèrent alors sur un tas d’armes en bois et en fer reposant sur le sol, instinctivement je fis un grand écart afin de mettre le plus de distance possible entre ces choses et moi. J’avais peur qu’elles prennent vie et se vengent de l’horreur que j’éprouve pour elles. Pour moi elles étaient tout simplement affreuses, elles corrompaient les gens en leur donnant le pouvoir d’arracher la vie et de blesser. Elles leur donnaient la facilité de réaliser la plupart de leurs souhaits à l’aide d’une seule chose, la violence. Ces objets ne servaient qu’à détruire.
Je ne m’intéressais donc ni aux armes ni aux mannequins de combats et je mis alors à tourner en rond entre les différents parcours proposés. Que faisais-je donc ici ? Qu’est-ce qui m’avait prit de venir dans cet endroit qui était totalement contraire à moi ? Comme si j’allais devenir forte du jour au lendemain, comme si je pourrais m’affirmer face aux autres juste en faisant un tour ici. Je voulus faire demi-tour, retourner auprès des animaux ou dans mon lit mais mon regard se posa sur une poutre en bois. Sans vraiment réfléchir je me mis à monter dessus. Le bois trembla sous mon poids, je crus voir la poutre onduler face à moi et j’eus soudainement envie de retoucher terre. Mais non, je ne devais pas abandonner, je ne pouvais pas. J’en avais assez de me plaindre sans agir, déjà que je ne pouvais parler, il me fallait de l’action.
Je repris alors mon courage à deux mains et tendis mes bras comme un oiseau déploie ses ailes. Lentement j’alignais un pied face à l’autre, puis encore une fois et à nouveau. Je ne pouvais m’empêcher de fixer mes chaussures mais peu à peu je parvins à détacher mon regard de celles-ci et à me concentrer sur la forêt se dessinant au loin. Après plusieurs pas alignés un sourire vint s’étendre sur mes lèvres, j’avais réussi à tenir debout sur cette poutre tremblante ! J’avais réussi à garder l’équilibre !
- Ben alors, la Muette, on s'entraîne ? Qu'est ce qu'il y a ? Tu veux d...
A l’entente de ce surnom, mon pied s’arrêta en plein mouvement, l’autre ne suivit pas le rythme et je m’écrasai rapidement sur le sol. Je relevai la tête vers le garçon, il s’agissait d’un autre sarcleur. Je me remis debout sur mes jambes à l’aide de la poutre mais mon pied droit me faisait souffrir. Ça ne devait être qu’une égratignure me dis-je sur le moment. Et alors que je m’apprêtais à quitter le terrain d’entraînement pour éviter toutes sortes de problèmes une autre voix s’éleva.
- Ce qu'elle veut, c'est que tu tournes les talons et que tu te barres. Loin, si possible. C'est pas difficile. Alors, qu'est ce que t'attends ?
Je me retournais aussitôt vers cette nouvelle personne mais je n’aurais pas vraiment eu besoin de poser mes yeux sur elle pour savoir de qui il s’agissait. Nyrah était intervenu, une nouvelle fois elle avait prit parti pour me défendre. Je l’aimais énormément, malgré son manque de délicatesse elle restait une personne très chère à mes yeux. Un peu comme une grande sœur, elle prenait soin de moi et n’hésitait jamais à lever le ton pour me faire comprendre les choses. Au moins, elle était franche et je ne pouvais pas lui en vouloir.
Et ils continuèrent de se disputer, une fois de plus j’étais la cause d’une dispute. Tout ça parce que je ne pouvais pas m’affirmer, tout ça parce que je n’avais tout simplement pas confiance en moi. Le ton monta de plus en plus haut, je sentais qu’ils en viendraient aux mains si je ne les calmais pas. Je fis alors un pas vers eux mais la douleur qui me lacérait déjà la cheville m’arrêta net. Ce n’était peut être pas qu’une égratignure au final. Le jeune sarcleur semblait s’énerver au fur et à mesure que les secondes défilaient. Nyrah ne cessait de lui lancer des piques, cherchait-elle vraiment à le rendre fou de rage ?
Puis il se jeta sur elle, aussitôt mes mains vinrent recouvrir ma bouche. Comme si je pouvais crier, quel réflexe idiot. Heureusement la trappeuse esquiva son coup, elle le gifla au passage avant de le jeter sur le sol. Je n’étais pas toujours en accord avec ses méthodes mais elle agissait ainsi pour une bonne cause, du moins j’espérais qu’elle n’agissait pas ainsi par pur plaisir.
Puis elle s’avança vers moi, son visage n’était pas des plus joyeux ou rassurant. Je ne connaissais que trop bien cette expression, j’allais me faire réprimander. Comme une enfant je baissais la tête vers le sol et me préparai à ce qu’elle me fasse la morale.
- Mia, s'il te plaît, essaie de te défendre toute seule. T'a même pas besoin de leur parler comme j'ai fait, marque "ta gueules" dans la terre ou gifle- les, après ils arrêterons. Je suis grossière, c'est vrai, mais un jour, peut - être que je serai plus là. Pas parce que je serai vieille mais parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver dans ce foutu Labyrinthe. Alors il faut que tu apprennes, tu comprends ?
Je savais qu’elle avait raison, que je devais apprendre à me défendre seule. J’en avais assez de voir les autres s’attirer des problèmes pour m’aider. Mais je n’avais pas leur chance, je n’avais pas la parole et la violence me repoussait plus qu’autre chose. Et puis la plupart des blocards me considère comme un fardeau, c’est vrai à part ramener des ingrédients je ne sais rien faire d’autre. Si j’essayais de m’affirmer ces gens se moqueraient sûrement, ça leur serait sûrement comique de voir « la Muette » essayer de s’exprimer. Donc je préférais me contenter de me taire et de m’en aller.
Puis elle continua de parler et à ces dernières paroles mes yeux s’écarquillèrent. Non, je ne voulais pas entendre ça. Je n’étais pas encore prête à prendre conscience de la mort qui planait au-dessus des blocards s’aventurant dans le Labyrinthe. Surtout pas elle, pas les gens à qui je tenais. J’aurais voulus qu’elle quitte son poste mais une fois de plus ce serait égoïste, je n’aurais fais que penser à moi.
Lorsqu’elle termina, j’hochai la tête afin d’acquiescer ses paroles mais en réalité j’avais peur. Elle m’avait rappeler la réalité. Je m’étais voilé la face pour ne pas m’inquiéter mais désormais j’avais ouvert les yeux à nouveau. J’étais terrifiée à l’idée de la voir un jour s’enfoncer entre les murs du Labyrinthe et d’en ressortir morte dans les bras d’un blocard. Rien qu’à cette idée mes yeux s’embuèrent de larmes, c’était tout simplement puéril comme comportement. Je m’agaçais vraiment.
Ma colère s'évapore au fur et a mesure que je parle. Je regrette d'avoir été aussi dure mais il le faut pour qu'elle comprenne une bonne fois pour toute ! Quand je suis douce, elle n'y arrive pas. Alors s'il faut la brusquer pour mieux la protéger, aucune hésitation ! De toute façon je suis toujours rude. Enfin généralement. A la fin de ma tirade, elle hoche la tête. Je sais déjà qu'elle ne va pas faire ce que je lui ai dit. Parce qu'elle a une petite expression de culpabilité et d'angoisse sur le visage. Parce qu'il y a de la résignation dans ses yeux. Il faut que je fasse quoi pour qu'elle m'écoute bon sang ?! Bon, d'accord, marquer "ta gueules" dans la terre, ce n'est pas une très bonne idée. Soit il vont se fâcher soit ils vont rire. Mais les gifler ! Ils ne s'y attendraient pas. Bon, Mia est presque une non violente mais son problème ne peut pas se régler avec des mots. Une bonne petite baffe de temps en temps c'est utile, efficace et ça détends ! Mais ça détends ! Puis ses yeux s'écarquillent. Oh non, je lui ai fait peur. Qu'est ce que j'ai pu bien dire ? Ah, oui, que je pouvais disparaitre dans le Labyrinthe. Bon, ce n'est pas un sujet à chambrer, ça, j'en ai parfaitement conscience parce que quand Jeff était encore ... quand il n'avait pas disparu il m'angoissait à passer ses journées dans un lieu étrange, dangereux ... Et puis il a disparu, oui. Donc je ne peux pas me permettre de lever les yeux au ciel. Ce que je n'avais pas l'intention de faire. Son expression me rappelle la mienne quand je le suppliais de ne pas partir sans moi. Et je suis sûre qu'il ressentait ce que je ressens en ce moment. Puis les yeux de la jeune Sarcleuse s'emplirent de larmes. Ça me fit mal au cœur. Je déteste voir les gens pleurer, surtout pour quelque chose d'aussi banal que moi. Je sais qu'elle tient beaucoup à moi et elle doit sûrement beaucoup s'angoisser quand je suis un peu en retard à la sortie. Cela m'est arrivé deux ou trois fois. Je soupire en la voyant si triste en angoissée puis, réprimant mon instinct qui me hurle : Non ! je la prends dans mes bras. Je ne câline jamais personne. Mais c'est comme ma petite sœur, alors je peux faire une exception pour elle. Je la berce quelques secondes avant de me retirer en lui essuyant ses petites larmes qu'elle a au coin de l’œil.
- Mia ... je prends une grande inspiration. Je te promet de toujours revenir. Je ne te laisserai pas seule. Compris ? C'est promis.
Je me demande si je vais réussir à tenir cette promesse. Je tient à mourir autant qu'à embrasser Jonas c'est à dire pas du tout. Alors je vais tout faire pour ne pas trahir cela même si ce sera dur quand je serai face à des Créatures assoiffées de sang. Je lui sourit gentiment avant de blaguer pour détendre une atmosphère décidément beaucoup trop tendue. J'ai besoin de me distraire moi. Sauver les petites sœurs en détresse ne faisait pas partie de mon emploi du temps.
- Bon, alors ! J'ai vu que tu avais presque réussi à tenir en équilibre tout le long de la barre tout à l'heure. Remontre moi ça ! je rigole en lui faisant un clin d’œil.
Puis je grimpe sur cette barre, étendant mes bras pour me maintenir en équilibre, et lui montre comment faire. D'abord je fais en avant, puis à reculons. Je descends de la barre avant de faire un geste des bras pour l'inviter à y grimper avec un petit sourire encourageant.