Ce sont seulement des bribes de souvenirs. Des voix, le reflet du soleil faisant briller un regard, des rires, une odeur particulière, une musique, un sourire timide.
Ils sont bien trop brefs pour que je parvienne à en saisir le sens. Et puis, parfois, au petit matin, il m'est impossible de me souvenir de mes rêves. Pourtant, je le veux. J'ai confiance en mes souvenirs, je sais qu'ils peuvent m'apporter la réponse à toutes mes questions. Pourquoi suis-je claustrophobe, qui était ma famille, avais-je des amis, d'où viennent mes insomnies, étais-je le même avant...? Ces questions ne font que se bousculer dans ma tête, et cela en devient de plus en plus insupportable.
D'après ce que je sais, le seul moyen de récupérer la mémoire est de subir la transformation. Mais il est impensable pour moi de me risquer à cette épreuve. Non seulement, le résultat n'est pas garanti, mais il faudrait en plus que je fasse en sorte de me faire piquer par un griffeur. Et comme je ne suis pas suicidaire, mieux vaut écarter cette solution. Ne me reste plus qu'à attendre dans l'espoir de saisir le message caché de mes rêves, un jour...
Après tout, l'espoir est la seule chose qu'il me reste.

Cela fait un moment que je contemple ses iris, hypnotisé. Cela fait un moment qu'elle me toise d'un air de défi, avant de tirer dans le ballon.

Son rire s'élève dans la pièce, résonnant agréablement entre les murs. J'ai le temps d'apercevoir son sourire radieux avant qu'un ras de marrée d'élèves ne nous sépare.

Une vive douleur me vrille les doigts lorsque mon poing va s'écraser sur le nez d'un petit merdeux. Je grimace en la cherchant des yeux. Mais un coup de la part du garçon me plie en deux.

Elle tremble. Tout son corps frissonne et même si je m'efforce de la serrer dans mes bras, elle ne parvint pas à calmer ses soubresauts. Des petites gouttes d'un liquide rouge vital s'écrasent sur le sol dans un plic ploc régulier. La blessure sur son poignet ne cesse de saigner. Je veux la soigner, stopper cet écoulement de sang. Mais elle me l'interdit. Elle ne veut pas guérir. Pas maintenant.

Ses doigts s'enroulent autour des miens et elle m'entraine hors de l'établissement. Je la suis tout en souriant. Une fois installés sur un banc non loin, elle pose sa joue sur son épaule et ferme les yeux. J'en fais de même tandis que mes lèvres se déposent sur son front.

Ses sanglots déchirent la nuit. Même si elle fait son possible pour les en empêcher, les larmes dévalent ses joues avec une rapidité déconcertante. Ethan... Je la fixe en secouant la tête, les larmes aux yeux. Elle sourit tristement et presse ma main. Ethan, répète-t-elle. Elle vient déposer ses lèvres sur les miennes, juste une seconde. Puis je tombe.




Je me redresse précipitamment, le souffle court. Une douleur sourde me martèle les tempes, mais je parviens tout de même à me mettre en position assise. Les souvenirs, ils n'ont jamais été plus clairs ! Je tente de me remémorer chaque instant de ces rêves entrecoupés.

« Non, non ! Non, non, non, non ! »

Les bribes restantes de ces souvenirs s'effacent déjà de ma mémoire, sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. La tête entre les mains, je panique ; comment me souvenir si chaque rêve ou cauchemar déserte ma mémoire aussi vite qu'il y est apparu ?

« Rendez-moi mon passé, » je souffle en fermant les yeux.