Il ne semble y avoir aucune raison justifiant sa présence en ses lieux. Devant ses immenses portes recouvertes de lierre et de feuilles en tous genres. Et pourtant, Clarke est là, de nouveau de retour, comme chaque matin. Elle attend le signal et l’ouverture qui va permettre à tous les coureurs présents d’aller explorer de nouveau le labyrinthe. Elle toise le regard des personnes qui l’entourent. Des garçons pour la plupart, et des filles à qui elle n’avait jamais parlé depuis son arrivée. C’est tout juste si elle les reconnait en fait. Les quelques têtes qu’elle arrive à reconnaître sont défigurées par la peur et le stress. Son visage à elle est abîmé, non pas par ses états d’âmes. Plutôt par les deux coupures qui traversent sa joue droite.
Il fait particulièrement chaud aujourd’hui, et elle plaint les coureurs et les trappeurs qui iraient dans la partie nord du labyrinthe. Là où règne une chaleur insoutenable et difficile à vivre. Pour son bien, elle a décidé de choisir la zone sud. Sur son journal, elle correspond à l’endroit le plus agréable quand il fait chaud comme ça, bien que pas le plus simple. Comme d’habitude, elle n’a pas demandé l’avis de son maton. C’est tout juste si elle le respecte celui-là. La plupart du temps, elle ignore les instructions qu’il peut lui donner. Elle prend ses propres décisions. Ce fou voulait l’envoyer dans la zone nord. C’était tout simplement hors de question. Elle entend déjà les profonds soupires lointains de Bryce, et sa voix déchaînée l’appeler, lui hurlant de revenir et d’aller dans sa partie alors qu’elle est déjà loin.
Derrière, les binômes commencent à se former. On associe un coureur et un trappeur, deux coureurs. Certains demandent à se mettre avec leurs amis. D’autres binômes sont créés uniquement en fonction de la force et des capacités physiques. Les caprices fusent. Les gamines qui veulent se mettre avec les beaux gosses. Clarke soupire en levant les yeux au ciel. Toutes ces gamineries l’insupportent à un point inimaginable. Comme si tout ça n’était qu’un jeu ou un concours de beauté. Pitoyable. « Turner ! Tu te mets avec… » Hurle une voix derrière la blonde.
-J’y vais seule, coupa Clarke en affichant un sourire sarcastique. Et cesse de m’appeler Turner.
Bryce se contente de hocher la tête. Il sait bien que ça ne sert à rien de la forcer à partir avec quelqu’un. Que ça la retarderai, rien de plus. D’ailleurs, Clarke se demande pourquoi il insiste encore et encore. Elle part toujours toute seule, la plupart du temps. Les rares fois où on l’a accompagnée, c’était parce qu’un abruti a osé s’y aventurer. Et ça s’est toujours mal terminé. Veiller sur elle- même, c’est déjà assez difficile comme ça. Pas besoin de rajouter un boulet à ses basques. Les minutes passent, presque tout est calme. Tout le monde attend patiemment l’ouverture des portes. Seules quelques petites voix féminines jaillissent à l’opposé de Clarke. Et un abruti qui tente de faire rire, mais qui n’y arrive malheureusement pas.
-T’étais pas obligé d’ouvrir ta gueule bouffon, dit –elle en fusillant du regard l’intéressé.
Les rires fusent. Ce n’était pas son intention, mais Clarke venait de faire rire toute l’assemblée. Elle lève les yeux au ciel, blasée, en basculant tout son poids sur sa jambe droite, prête à courir. Le sol tremble, et une impression de déchirement envahi la blonde qui ne bronche pas. « Turner ! Tu n’as pas intérêt à aller dans le sud ! T’es dans le nord aujourd’hui, grouille-toi de changer de direction ! » La voix grave de Bryce résonne dans ses oreilles, mais il est trop tard pour reculer. Clarke s’enfonce à pas rapides dans les murs du labyrinthe sud. Elle entend de moins en moins les paroles de son maton. Au bout de quelques minutes de course, c’est un silence atroce qui l’entoure.
Elle s’arrête à un carrefour comprenant six sorties, attrape son calepin et un stylo qu’elle avait glissé dans sa poche lors de son réveil. Les rares fois où elle est venue dans cette zone, c’était lors des jours identiques : chauds et secs. Evidemment, elle ne se rappelle de rien. Tout a changé. Ça aurait été trop facile. Elle glisse sa main dans sa sacoche, en attrapant un des galets noirs à l’intérieur et le lance sur son chemin. Puis elle se remet à courir, en regardant attentivement chaque direction qu’elle prend et en mémorisant les différents passages qui s’offrent à elle. Parfois, elle balance un petit galet noir par terre pour retrouver son chemin plus tard.
Clarke se fige soudainement. Quinze minutes étaient-elles suffisantes pour que le premier obstacle se pointe ? Apparemment c’était le cas. Les bruits de pas qui venaient de l’interpeller se rapprochaient de plus de plus. Elle se laisse reculer vers la paroi derrière elle, en ouvrant grand ses yeux et ses oreilles. Le seul inconvénient à ne pas avoir de trappeur avec elle, c’est que si jamais quelque chose doit arriver, elle n’a qu’une lance pour se défendre. Mais bon, elle prend quand même le risque.
Elle attrape sa lance accrochée derrière son dos, et se plante en plein milieu du couloir. Toute transpirante, sans même un brin de peur. Malheureusement, c’est seulement Lula qui apparaît devant ses yeux. Elle soupire de nouveau en levant les yeux au ciel. Elle la toise de son regard noir en rangeant sa lance, déçue de ne pas avoir à s’en servir.
-Et merde, c’est que toi. T’aurais au moins pu essayer de me faire peur pour que je puisse me défouler un peu, dit Clarke d’un ton sarcastique, en souriant tout de même. Je peux savoir ce que tu fous là ?
À vrai dire, elle se fiche bien de la réponse. Tant qu’elle ne vient pas pour lui taper la discute, tout va bien. Mais étant donné qu’elle ne voit aucun trappeur à ses côtés il y a seulement deux solutions plausibles : soit son trappeur est mort en quinze minutes, ce dont se fiche absolument Clarke, soit Lula vient pour elle et là c’est un peu plus amusant. Sa compagnie promet d’être plutôt intéressante.
Lula était sortie du gnouf il y a de ça 2 jours seulement. Elle avait l'habitude de passer par la case prison sur ce jeu de l'oie qu'était le bloc. La case arrivée elle, en revanche, était loin. Bien trop loin à son goût. Ayant repris son entraînement et ses forces, elle partit donc en qualité de coureuse dans le labyrinthe. Le départ était lancé, les coureurs s’élançaient. Chacun avait une zone à couvrir. Pour Lula, ce serait le sud-est, tout comme le mioche qui lui servait de trappeur. Sérieusement, ils n'avaient pas trouvé mieux? Mais alors qu'elle s'apprêtait à s'élancer dans le labyrinthe par la porte sud, elle vit une coureuse débouler et lui passer devant. Son supérieur criait après elle, à l'autre bout du camp. Cette chevelure blonde, cette mine déterminée et l'ignorance des ordres. Clarke. Sans attendre le feu vert de son supérieur, elle fonça. Clarke était assignée au Nord aujourd'hui, elle n'avait donc pas pu lui proposer sa compagnie. Mais voilà que la guerrière blonde rendait les choses plus intéressantes. Quitte à retourner au gnouf, autant ne pas être seule. En oubliant le jeune trappeur, elle s'enfonça dans le labyrinthe à son tour. Au loin, elle avisa quelques mèches blondes disparaître à gauche. Bien. Elles allaient toutes deux partir du mauvais côté. Soit au sud-ouest. Mais peu importe la direction, le but était de se remplir le cerveau tout en trouvant une issue à cet enfer..vert pour le moment. Mais qui ne tarderait pas à virer au rouge sang si les jeunes femmes ne rentraient pas à temps. Mais pour le moment, ce n'était pas la préoccupation première de Lula. Clarke avait franchi la porte sud tout comme elle, et malgré sa grande endurance, Lula était rapide. Assez rapide pour ne pas la laisser la distancer. Lula savait vers où se dirigeait la blonde. Et alors qu'elle tournait pour la énième fois à gauche dans ce dédale sans fin, Clarke apparut brusquement sous ses yeux, lance à la main et pointée dans sa direction. S'arrêtant net, manquant de trébucher, Lula reprit son souffle. « Et merde, c’est que toi. T’aurais au moins pu essayer de me faire peur pour que je puisse me défouler un peu » dit Clarke d’un ton sarcastique, en souriant tout de même. « Je peux savoir ce que tu fous là ? » Croisant les bras sur sa poitrine, levant le menton, elle rétorqua: « Et toi alors, depuis quand tu te permets de venir empiéter sur mon terrain de chasse sans permission ? » Un de ses sourcil était levé en signe de questionnement, bien qu'elle n'attende pas de réponse. Faisant deux pas en avant, elle écarta la lance de sa direction. « Allez avoues, je te manquais, tu peux pas te passer de moi une minute. » Les coins de sa bouche s'étirèrent en un sourire carnassier, sachant pertinemment que Clarke n'était pas dupe. Elles n'étaient pas amies et ne le seraient probablement jamais. D'ailleurs, elles n'avaient aucun ami. Mais cela ne les dérangeait pas le moins du monde. Le but était de sortir de ce trou perdu le plus vite possible. Et c'est ce qu'elles faisaient, jour après jour, cherchant des indices pour s'échapper. Et quoi de plus fort qu'une chieuse qui n'en fait qu'à sa tête? Et bien deux chieuses pardi! « Si ça te dérange pas, je préfèrerais avancer. Pas que le gamin qui me sert de trappeur m'est inutile mais..un peu. » et sur ces mots, elle sortit un de ses couteaux de sa jambière et passa devant. Se tournant vers Clarke, n'ayant pas bougé, elle lança: « Alors, tu viens ? Allons voir s'il reste quelques monstres, histoire de s'amuser un peu. »
You have more courage than I thought kid. ϟ (Lula)
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