Coré ne savait pas pourquoi elle restait là, à attendre Jaden. Tous ses Sarcleurs devaient l'attendre pour manger et la maton se préoccupait trop d'eux pour les laisser mourir de faim. Elle se dirigea alors en soupirant vers le réfectoire. Ses devoirs de maton ne lui laissaient aucun répit et faisaient peser une lourde responsabilité sur ses épaules. Lorsqu'elle arriva, ses compagnons étaient debout, à l'attendre. Celle-ci sourit en les regardant puis leur fit signe de s'asseoir et s'assit à son tour. Tandis qu'elle mangeait, la jeune fille évita de regarder la table des miliciens, de peur de croiser le regard de Jaden ou que quelqu'un finisse par se douter de quelque chose. Néanmoins, elle lança un regard en coin à sa table afin de localiser l'endroit où il avait pris place. Comme par hasard, le jeune homme s'était attablé de manière à pouvoir la voir. Avait-il repéré la place de la maton des Sarcleurs ou n'était-ce qu'une pure coïncidence ? Visiblement, cela relevait de la stratégie vu qu'il était en train de la regarder. Non, pas la regarder : la contempler. Il l'observait comme si elle était la prunelle de ses yeux, la personne la plus importante pour lui. Ou n'était-ce simplement que son imagination qui lui jouait des tours ? Lorsque leurs yeux se croisèrent, des étincelles imaginaires jaillirent entre eux. Coré baissa alors brusquement le regard et s'intéressa à son voisin de table. Il souhaitait la courtiser ? Fort bien. Elle pouvait donc se permettre de tester ses réactions. Non, cela ne se faisait pas, il ne fallait pas qu'elle se laisse porter par son côté obscur. Elle se ressaisit donc et discuta normalement avec ses collègues. Soudain, son voisin raconta une blague et la Sarcleuse éclata de rire. Elle ressentit alors un frisson lui parcourir l'échine et redressa la tête. Elle aperçut alors le léger froncement de sourcils de Jaden. Elle repiqua alors du nez dans son assiette. Qu'est-ce qui lui prenait de se soumettre à ce type ? Ils ne sortaient pas ensemble ! Elle finit rapidement son repas et sortit dans les champs. Il commençait à l'énerver. Elle marcha de long en large pour se calmer. Pourquoi était-elle en colère ? Ce n'était pourtant pas dans sa nature. Le milicien avait le pouvoir de la mettre dans tous ses états et cela commençait à l'inquiéter. Elle soupira alors et ferma les yeux. Quelques temps plus tard, elle entendit des pas puis une voix.
- Tu es venue... Lui porta alors le vent.
- Oui... Répondit-elle en se tournant vers lui, calme.
Le clair de lune éclaira soudain le visage du milicien. Elle fut surprise de voir qu'il souriait. La jeune fille fronça un peu les sourcils puis s'avança.
- Dis, je me demandais, pourquoi as-tu agi ainsi tout à l'heure au gnouf ? Non pas que cela ne m'est pas flattée mais bon... je ne pense pas que c’eut été par cruauté, tu n'es pas comme ça, je peux le voir dans tes yeux. Était-ce par simple curiosité ? Tu sais, dans le bloc, on me haït ou on me respecte mais je ne suis pas dupe : personne ne veut vraiment être très proche de moi... ami peut-être mais plus qu'ami, ça leur fait peur on dirait... cela doit être ton cas aussi en tant que milicien, de plus doté de ceci... Dit-elle en montrant son bras métallique de la main. Les autres sont parfois méchants et ne nous comprennent que rarement hélas... ne t'inquiète pas, je ne vais pas te rejeter à cause de ton bras, je sais que tu as du plus en souffrir que le vouloir à la place de rien du tout. Continua-t-elle avec une lueur de gentillesse au fond de son regard.