Amber sortit du Labyrinthe à petites fouléees. Son pas tranquille et assuré témoignait de son expérience de Coureuse. Elle n'avait plus peur que les portes se referment au moment où elle sortirait. Elle laissa les immenses murs derrière elle et entra dans le Bloc. Elle s'arrêta quelques instants, le temps de contempler la vaste étendue verdoyante. Chaque Blocard avait son rôle ici, sa place. Amber était à sa place en tant que coureuse, elle faisait ce pour quoi elle était faite. Pour certains, le rôle de Coureur consistait simplement à se fatiguer à longueur de journée, mais la jolie brune souhaitait seulement se barrer d'ici. Trouver une sortie, et ramener tout le monde chez soi. Avait-ils une maison, un endroit où une famille les attendait ? Est-ce que quelqu'un se souvenait d'eux, quelque part ? 'Tain, à quoi bon. De toute manière personne ne l'entendrait. Les connards qui les avaient envoyés ici devaient bien se foutre de ce qu'elle pouvait penser. Certains ici faisaient semblant d'être indifférents à tout ça, ils faisaient semblant d'accepter cette situation. Ceux-là, Amber ne les appréciait guère en général.
Amber se dirigea vers le garde manger, espérant y trouver une âme charitable qui daignerait bien lui laisser chaparder de quoi se restaurer sans rien en dire à la Milice. Elle allait entrer, quand derrière, une sorte de râle de douleur se fit entendre. On aurait dit une plainte, un soupir. Amber se retourna et vit une fille un peu plus jeune qui peinait à porter une sorte de grand saladier ou autre récipient remplit de ce qui semblait être une quantité impressionnante de carottes rapées.
« Attends ! Je vais t'aider, donne moi ça. Amber lui prit doucement le saladier des mains, et le maintient contre elle. Je t'ammène ça où ? lui dit-elle en souriant gentiment. Elle observa la fille, la détaillant de ses yeux clairs. Elle était grande, svelte et menue. Ses cheveux blonds étaient négligemment attachés en un léger chignon. Cependant quelque chose clochait dans ses yeux. Piquée au vif, elle
Quatre jours. Quatre jours passés à pleurer toutes les larmes de son corps. Quatres petites journée qui lui parurent durer une éternité. Elle avait appris où elle se trouvait, rencontré quelques personnes, travaillé un peu avec les sarcleurs puis les medjacks, mais surtout, elle avait apprit que sa cécité était belle et bien incurable. Cette nouvelle l'avait anéantie, le pire, c'était qu'elle ne savait même pas si elle avait déjà vu ne serait-ce qu'une seule chose depuis sa naissance, ou si son handicap était accidentel. Ce qui était sûr, c'était que ces yeux restaient clos quoi qu'il arrive.
Elle avait donc passé les 96 heures dernières à pleurer toutes les larmes de son corps et à s’apitoyer sur son sort. Même lorsqu'elle travailla au champ avec les sarcleurs, même lorsqu'elle assista les medjacks pour savoir dans qu'elle groupe elle travaillerait et surtout la nuit, alors que les bruits du labyrinthe la faisait trembler de tout ses membres. Puis le quatrième jour, on l'a jeta chez les Cuistots. La première heure, elle se familiarisa avec la cuisine, écouta et fit ce qu'elle avait à faire, toujours les larmes coulant de ses yeux clos. Mais au fur et à mesure, elle commença à se sentir mieux. Elle se rendit compte que toutes les odeurs délicieuses de la cuisine la charmait, que les sons des plats qui cuisaient la berçait ... Elle arrêta enfin de pleurer et décida de se rendre utile.
On l'envoya alors chercher des carottes déjà rappées dans le Garde-Manger. La jeune aveugle se dirigea alors plus bien que mal vers le bâtiment qu'on lui avait fait visiter il y a peu. De mémoire, elle le trouva et entra pour récupérer le plat. En tâtant les contours, Wendy ne pu s'empêcher de crier « Oh mon Dieu, il est énorme ! »Il y avait une cinquantaine de personnes au Bloc, et tous les nourrir demandait des quantités monstrueuses, d'où la grandeur du récipient. Tant bien que mal, la jeune fille le prit dans ses frêles bras. Elle se cogna contre une table, puis contre une étagère avant de réussir à sortir en soupirant. Qu'est-ce que c'est lourd !
« Attends ! Je vais t'aider, donne moi ça.»
Wendy sursauta. Heureusement, la voix avait prit le récipient sans quoi la bleue l'aurait fait tomber. Elle n'avait pas entendu la fille arriver, elle ne savait même pas qui elle était ni dans quel groupe elle était. L’apprentie cuistot se retient de pleurer et de trembler se disant qu'elle avait déjà épuisé tout le stock d'eau de son corps.
« Je t’amène ça où ? »
L'aveugle sursauta de nouveau, et étouffa un petit rire nerveux. Il fallait absolument qu'elle se ressaisisse si elle voulait se faire accepter par les autres "blocards". Elle éclaircit sa voix :
«Je crois qu'il faut l'emmener au réfectoire. » Elle fit une pause avant d'ajouter un petit Merci tout timide.
Pendant un moment, elle crut que la fille ne l'avait pas entendue, c'était la première fois qu'elle parlait depuis un moment et elle avait peur que sa voix ne soit pas assez claire. Elle s’apprêta à répéter lorsque la voix la surprit à nouveau. Mais cette fois, elle ne sursauta pas.
«Ça va ? Depuis combien de temps tu es ici ? »
Comment Wendy allait ? Elle même ne le savait pas !
«Je vais bien, je crois ... Je suis arrivée il y a quelques jours. »
Pas de larmes qui coulaient sur ses joues, pas d'envie de se recroqueviller sur elle même en tremblant. Wendy se félicita avant de mettre toute son attention dans la jeune fille en face d'elle. Grâce à sa voix, l'aveugle déduit qu'elle était sûrement du même âge qu'elle, et puis, elle semblait légèrement essoufflée, comme si elle avait courue sur une longue distance. Coureuse.
«Comment t'appelles tu ? Tu es coureuse ? »
La nouvelle blocarde se surprit elle même en posant ces questions. Mais étant donné qu'elles marchaient toutes les deux vers le réfectoire, elle ne risquait rien à engager la discussion. Surtout que sa sauveuse semblait plutôt sympathique.
La grande blonde la remercia doucement, sa voix tremblait. Elle semblait avoir peur, être gênée, mal à l'aise. Amber savait qu'elle n'avait pas une réputation d'ange, mais elle se comportait correctement tout de même. Enfin, elle le croyait. Oui, elle n'avais rien dit de méchant, c'était la fille qui n'était pas bien. Lorsqu'elle lui assura qu'elle allait bien, Amber posa sur elle un regard empreint d'inquiétude. Le regard de son interlocutrice, elle ne pouvait pas le voir. Ses paupières closes semblaient ne pas vouloir daigner s'ouvrir. Une aveugle. La première chose à laquelle Amber pensa, ce fut que ses yeux devaient êtres très beaux dessous. Quelqu'un les avait-ils déjà vus ? Les avait-elle déjà dévoilés ? Arrivée il y a quelques jours disait-elle ? Ahah, en plus d'être une fille c'était une bleue. Amber était de bien bonne humeur aujourd'hui ! Que lui arrivait-elle ? La fille lui demanda son nom, avant de déduire qu'Amber était une coureuse. L'interessée sourit doucement. Ses sens plus dévellopés que la moyenne avaient compris d'où elle venait. Le Labyrinthe. Ses jambes avaient foulées les moindres foulées de ce dédale, sans jamais trouver de sortie. Elle ne savait quoi en penser il fallait qu'ils sortent. Elle se reconcentra sur la blonde et écouta sa dernière question.
« Bienvenue au Bloc alors. elle marqua une pause et sourit de plus belle. Mon nom est Amber. Et toi ? »
Les deux filles avancaient à un pas lent vers le réfectoire. Cela reposait Amber, de laisser ses jambes se détendre sans avoir à les forcer à avancer, de plus en plus vite, de plus en plus loin. Elle ne pouvait cependant pas nier que cela lui plaisait. Elle aimait cette exitation qui montait en elle chaque matin, cet attrait du danger, mais surtout cette détermination sans faille à trouver une sortie.
« Je suis là depuis bientôt un an. »
Un an. Douze longs mois passés à courir, encore et encore, douze mois passés à voir chaque semaine de nouvaux compagnons débarquer depuis la Boîte, sans jamais en voir la fin. Est-ce qu'un jour tout cela se terminera ? Amber s'imagine parfois les Blocards en vieillards, formant les nouveaux à courir. Est-ce que, si jamais ils ne trouvaient jamais de sortie, les Connards les laisseraient fonder une société ? Ou les tueraient-ils tous un par un ? Amber secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées.
« Et toi ? Cuistot ? Les Medjacks ou les Sarcleurs ne portent pas de plats pleins de carottes. Quoi que ! Qu'est-ce que je suis entrain de faire ? Amber éclata d'un rire cristallin avant de continuer : Ça te plais la vie au Bloc ? J'veux dire... Tu déprimes pas trop ? »
Les débuts étaient souvent laborieux voir désastreux chez les Blocards. Certains se suicidaient, d'autres passaient leurs journées à pleurer. Certains le vivaient mieux que d'autres mais aucun ne pouvait prétendre n'avoir versé aucune larme.
Amber. Un prénom sucré, couleur de miel, à la sonorité douce et pleine. Un joli prénom. Le cinquième qu'elle entendait ici et surement un des premiers qu'elle retiendrait. Elle avait remarqué que pour les blocarts, les prénoms étaient un symbole de souvenirs et d'espoir. C'était la première et la seule chose dont ils se souvenaient et qui restait gravé dans leur mémoires endommagés.
«Je m'appelle Wendy.»
Comme à chaque fois, son prénom lui rappela un rire tendre. Elle savoura la sensation avant de prêter un peu plus attention à où elle mettait ses jambes ainsi qu'aux paroles d'Amber. La jeune fille lui dit que ça faisait un an qu'elle était au Bloc. Une longue année qu'elle avait sûrement dû passer à essayer de trouver une sortie au labyrinthe, 12 mois passé enfermés dans ce foutu endroit. Wendy soupira doucement en retenant toujours et encore plus ses larmes : si en 365 jours ils n'avaient pas trouvé la sortie, personne ne le pourrait ! Le découragement gagna la bleue : jamais ils ne sortiront d'ici. La blonde aux yeux clos tentait de rester positive en se disant que les habitants du Bloc semblaient plutôt bien vivre leur situation.
Amber était bel et bien une coureuse, elle ne nia pas la déduction de l'aveugle et demanda à son tour si Wendy était cuistot. Face à l'évidence de la réponse, la coureuse émit un rire claire et communicatif. La cuistot sourit, c'était la première fois qu'elle entendait quelqu'un rire ici. C'était agréable.
« Ça te plais la vie au Bloc ? J'veux dire... Tu déprimes pas trop ? »
Le sourire de l'aveugle s'éteignit aussitôt. Déprimer, pleurer, crier, s’apitoyer, puis re-pleurer encore, tout en ménageant sa colère : c'était le résumé de ses derniers jours. Répondre que la vie au Bloc lui plaisait serait mentir, lui répondre qu'elle ne déprimait pas trop serait la même chose. Mais ne pas répondre serait malpoli.
«Je ... le Bloc ... Elle reprit son souffle, et calma les pensés négatives qui obscurcissaient son jugement, sa voix était aiguë. C'est pas si mal. »
Mensonge. Bien sûr qu'elle vivait tout ça très mal : elle ne voyait rien, ne connaissait personne, ne se souvenait de rien et ne se sentait pas à sa place dans cet endroit qui la terrifiait plus que tout. Ses mains commencèrent à trembler une fois de plus. Les larmes étaient au bord de ses paupières fermées. Puis elle sentit l'ombre fraîche du bâtiment lui caresser la peau. Elles étaient presque arrivées.
Elles entrèrent l'une derrière l'autre dans la cabane qui semblait être vide. Wendy soupira de soulagement, avant d'indiquer en tâtonnant à sa nouvelle amie une table ou elle pourrait poser le plat. Wendy se surprit à penser qu'elle aimerait discuter un peu plus avec la coureuse, malgré sa peur et sa tristesse. Elle aimerait en savoir plus.
«Ça fait quoi de vivre depuis si longtemps ici ? C'est comment dans le labyrinthe ? »
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